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Le mythique hôpital de Lambaréné, au bord de l’Ogooué. Photo AFP
C’est sur les rives du fleuve Ogooué envahies par les moustiques que Schweitzer débarqua en pirogue avec son épouse en 1913, dans ce qui était alors l’un des territoires les plus sauvages de l’empire colonial français, à 250 km de Libreville. L’héritage – controversé – du « grand blanc de Lambaréné » ne se résume pas à l’apport de la médecine moderne. Si certains critiquent aujourd’hui son attitude autoritaire et paternaliste envers ceux qu’il appelait les « indigènes » , il reste un symbole au Gabon – et à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons – pour son abnégation couronnée par le prix Nobel de la paix en 1952.
Quelque 20 000 patients affluent encore chaque année des différentes régions du Gabon pour se faire soigner à l’hôpital Schweitzer, à quelques dizaines de mètres des vieux bâtiments où le docteur a exercé pendant plus de 50 ans. « C’est une fierté de diriger cet hôpital , affirme avec entrain son directeur général, Antoine Nziengui. Nous sommes parmi les seuls au monde à avoir une telle structure à la fois médicale, de recherche et humanitaire. »
Après avoir installé son premier dispensaire dans un vieux poulailler en tôle cédé par la mission protestante de Lambaréné, le docteur avait fondé, au fil des ans, un véritable « hôpital-village » où il vécut jusqu’à sa mort en 1965. En témoignent aujourd’hui les coquettes maisonnées en bois qui accueillent encore une partie des personnels soignants avec leurs familles, dans l’enceinte même de l’hôpital. À quelques pas, il avait aussi créé une léproserie, toujours en activité même s’il ne reste que 17 malades.
« On a voulu conserver l’éthique du respect de la vie, si chère au docteur. Même les moustiques, il ne fallait pas les tuer ! », s’amuse Sylvia Nyoundou, qui guide les visiteurs dans l’ancienne maison – transformée en musée quelque peu poussiéreux – où vivait Schweitzer, dont la tombe fait face au fleuve. On y trouve ses affaires, ses correspondances et notamment de nombreuses bibles en allemand – il était né en Alsace alors allemande et il n’obtiendra la nationalité française qu’après la défaite de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale –, mais aussi un orgue sur lequel il s’exerçait tous les jours et préparait ses concerts pour récolter des fonds en Europe.
Si le Gabon a formulé une demande à l’Unesco pour que le site soit classé au Patrimoine mondial de l’humanité, certains se demandent aujourd’hui ce que va devenir l’hôpital niché dans la verdure, dont les bâtiments sont aujourd’hui décrépis et les équipements vétustes. Les dons récoltés à la Fondation Schweitzer et la subvention annuelle de l’État gabonais – près d’un milliard de Francs CFA (1,5 million d’euros) –, ne suffisent plus à assurer son fonctionnement. Il n’y a pas de scanner. Et le service de pédiatrie dispose de seulement quatre couveuses qui « ne fonctionnent pas vraiment » malgré un taux de natalité important, de l’aveu du directeur. « Si on veut regarder l’avenir, l’hôpital devrait fonctionner comme une entreprise. Ici on soigne les patients même s’ils n’ont pas de quoi payer. C’est bien de faire du social, mais c’est aussi ce qui nous coûte cher aujourd’hui… » , affirme le Dr Nziengui.
À l’autre bout de la ville, un hôpital flambant neuf équipé selon les standards internationaux a vu le jour en 2009, le président Ali Bongo Ondimba ayant affiché la volonté de faire de Lambaréné un pôle médical d’envergure pour que l’héritage Schweitzer « continue à rayonner ». Les autorités devraient également inaugurer d’ici la fin de l’année un nouveau centre hospitalier universitaire international Albert Schweitzer, doté d’un « centre de recherche médicale de pointe » sur les maladies tropicales, a déclaré le président à l’approche du centenaire.
« Le vieil hôpital c’est notre patrimoine et c’est ici que les Gabonais veulent se faire soigner , regrette une infirmière qui a souhaité garder l’anonymat. Je ne comprends pas pourquoi on ne l’a pas modernisé plutôt que d’en créer un autre. »
Les 6 et 7 juillet, Lambaréné accueillera des dizaines personnalités du monde de la science et de la médecine, des chefs d’États et des humanitaires venus rendre hommage au Dr Schweitzer. Un symposium scientifique international sera également consacré aux trois grandes épidémies qui affectent l’Afrique : le paludisme, la tuberculose et le VIH/sida.