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Le cimetière des Roumains a 100 ans
À un siècle d’intervalle, le prince Radu remplace le roi Ferdinand et la reine Marie de Roumanie sur la photo officielle. On commémorait ce mardi à Soultzmatt le centenaire du cimetière militaire roumain, inauguré par le couple royal le 9 avril 1924. Située à la Gauchmatt, entre la Vallée noble et le Florival, la nécropole rassemble 678 des 2344 prisonniers roumains morts en Alsace-Moselle entre janvier 1917 et décembre 1918, au terme d’un long martyre.
Le prince Radu de Roumanie était à Soultzmatt ce mardi 9 avril pour le centenaire du cimetière militaire de la Gauchmatt. 678 prisonniers de guerre roumains, morts dans 35 communes d’Alsace, y reposent depuis la Première Guerre mondiale.
« Ces soldats ont été faits prisonniers fin 1916, en Transylvanie », rappelle le maire de Soultzmatt, Jean-Paul Diringer, pendant la cérémonie. La Roumanie avait en effet renié son alliance historique avec les empires centraux pour entrer en guerre aux côtés des Alliés en août 1916. Considérés comme des traîtres par les Allemands, disséminés dans tout l’Empire, les prisonniers roumains subiront ainsi « de terribles privations ».
140 d’entre eux sont morts à la Gauchmatt, à l’endroit même où le cimetière a été érigé. Un camp de travail constitué de deux baraquements avait été aménagé là, en bordure du camp allemand du Kronprinzlager.
Les premiers prisonniers, « environ 70, sont arrivés en janvier 1917, déjà affamés et malades ». Affectés au déboisement des pentes du Schimberg, où avait été installé un ballon captif pour surveiller le front, mais aussi à l’usine ou aux travaux agricoles, les forçats meurent très rapidement de froid, de faim, d’épuisement, ou des mauvais traitements infligés par leurs geôliers.
« Les villageois les ont secourus à la hauteur de leurs moyens », relève Jean-Paul Diringer, soulignant que 27 familles de Soultzmatt « ayant fait preuve de compassion et de courage » figurent sur une « liste de soulagement » établie après guerre. Certains ont même été personnellement remerciés par la reine Marie, à l’image de la famille Nicollet, qui avait aidé un évadé.
C’est en mémoire de cette tragédie que, le 30 août 1919, la commune de Soultzmatt-Wintzfelden met le terrain de la Gauchmatt à disposition du comité d’Alsace des tombes roumaines, dont la mission est de créer un cimetière selon la tradition orthodoxe. Les corps, 678 au total, seront rapatriés de 35 communes alsaciennes en 1920. L’administration militaire dépêchera pour cela 25 ouvriers chinois durant une semaine.
Au pied de la grande croix trilobée qui domine le cimetière, une plaque posée lors de l’inauguration en 1924 cite la reine Marie : « Soldats roumains ! Loin de votre patrie pour laquelle vous vous êtes sacrifiés, reposez en paix auréolés de gloire dans cette terre qui ne vous est pas étrangère. » Une évidence pour Mgr Joseph, archevêque et métropolite d’Europe occidentale et méridionale, qui a présidé la cérémonie religieuse orthodoxe : « Quand le roi Ferdinand et la reine Marie sont venus prier ici il y a 100 ans, cette terre de France est aussi devenue la terre de la Roumanie. »
Le 20 septembre dernier, le cimetière de la Gauchmatt a d’ailleurs été inscrit par l’ Unesco sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité , au titre des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale.
Après une prière orthodoxe présidée par Mgr Joseph, archevêque et métropolite d’Europe occidentale et méridionale, la cérémonie a été marquée par de nombreux discours et dépôts de gerbe, dont celui du prince Radu, qui a rappelé les liens d’amitié unissant son pays à la commune de Soultzmatt et la France. « Pendant ces 100 ans, vous avez prouvé un sens de la générosité et de la communauté avec les autres peuples européens qui paraît invraisemblable de nos jours, alors que nous vivons dans un monde d’égoïsme et de cynisme », a-t-il salué.
Une solidarité qui s’illustre encore à ses yeux dans le soutien « exemplaire » apporté par la France à l’Ukraine où à la Moldavie dans le cadre de la guerre contre la Russie. « Ma génération ne pensait jamais être témoin d’une nouvelle guerre en Europe », déplore le prince.
La cérémonie s’est terminée par une prestation des écoliers de Soultzmatt, qui ont retracé avec beaucoup de conviction le martyre des prisonniers roumains et l’histoire du cimetière de la Gauchmatt. Comme en 2018, pour les cérémonies du centenaire de la Grande Guerre, les officiels ont enfin planté deux tilleuls, « symboles de paix, d’amitié et d’amour ».
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