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D/ Ballersdorf
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Le village de Ballersdorf s’est souvenu hier, exactement 70 ans après le drame, de ses jeunes réfractaires qui ont été fusillés par les nazis après avoir échoué à gagner la Suisse. Pour la première fois, une délégation allemande était de la cérémonie.
Par ses rues pavoisées, la commune de Ballersdorf a redonné de la couleur a sa mémoire, comme un éclat d’une histoire régionale à laquelle le XXe siècle a plus que tout autre infligé ses profondes et douloureuses meurtrissures. Les guerres, ce sont d’abord des kyrielles de drames, des bombes dont la fragmentation ravage chacun en son for intérieur. Il y a 70 ans, le 17 février, Ballersdorf n’a pas entendu les détonations, mais plusieurs de ses enfants sont tombés sous les balles d’un peloton d’exécution dans la froideur du Struthof. Hier, en un dimanche au ciel bas, des centaines de personnes, élus ou anonymes, représentants de corps constitués ou de sociétés patriotiques, hommes et femmes venus témoigner de cette communauté de destin, ont été là. Concernés, tout simplement, par une de ces atrocités que le temps n’altère pas, lorsque des jeunes pleins de vie sont broyés par la folie.Nous devons maintenir nos consciences pour fortifier notre engagement pour la paix
À Ballersdorf, ce furent donc ces dix-huit garçons qui voulurent, comme d’autres les jours précédents, échapper à l’incorporation de force dans la nuit du 12 au 13 février (DNA de mardi) mais durent renoncer, sur le chemin de la Suisse, face aux gardes-frontières allemands. L’un d’eux parvint à s’échapper –lui seul survivra–, trois autres tombèrent immédiatement alors que les autres se décidèrent à rebrousser chemin et regagner leur foyer… où ils seront arrêtés dès le lendemain pour être fusillés le 17 février. Leurs familles seront déportées dans la foulée.
Leur souvenir, leur ombre, planait au-dessus des têtes et dans les cœurs hier. Mais la réconciliation, avec le temps, a trouvé à y germer pourtant. Pas d’évidence non, mais néanmoins, comme des racines plongent peu à peu à travers des strates d’incompréhension et de haine pour fleurir timidement, comme des larmes perlent sur les joues. C’était le cas en ce dimanche matin, dans un élan d’émotion que le protocole a contenu, mais pas étouffé, laissant la place à un symbole qui les vaut tous : la présence d’une délégation allemande à la cérémonie.
Et parce que la cérémonie débutait par une messe et que cette messe marquait elle-même le commencement du carême, le curé Raymond Ruhlmann et Monseigneur Vincent Dollmann ont trouvé des mots sonnant particulièrement juste et forts, parlant de pardon et de salut, d’efforts, de mise à l’épreuve. « Nous devons maintenir nos consciences pour fortifier notre engagement pour la paix. » Et ne « pas se résigner », mot qui en valait cent autres en cette commémoration. Ne pas se résigner face au poids de l’histoire, ne pas se résigner par naïveté non plus.
Il n’y eut pas de grandes effusions, mais des sourires, des rires parfois, des poignées de main amicale et des échanges. C’est beaucoup alors que pendant si longtemps, le drame des fusillés de Ballersdorf a retenu en la soudant, dans ce village, toute relation au voisin européen. Alors, les fleurs déposées ont eu un parfum plus fort avec, et chacun évidemment en tirera les conclusions qu’il veut, un rayon de soleil perçant à travers les nuages juste à ce moment-là. Un signe céleste, un hasard du vent qu’importe : à cet instant précis, la cérémonie a rayonné davantage encore que les cuivres de la musique municipale, vibré plus que les chants de la chorale Sainte-Cécile.
Sans que rien ne soit oublié. En rappelant si besoin que la mémoire et son devoir ne sont pas une entrave, mais un tuteur.
Ballersdorf Karin Schäfer, Burgermeisterin de Rohrenfels-Ballerdorf-Wagenhofen
Elle a, selon son homologue alsacien Bernard Boloronus, spontanément proposé de participer à la commémoration. Elle est venue avec son adjoint Michael Pallmann et une délégation de quatre sapeurs-pompiers volontaires de son agglomération bavaroise, située à environ 100 km au nord de Munich. Burgermeisterin de la « communauté de communes » Rohrenfels-Ballersdorf-Wagenhofen avec laquelle le Ballersdorf sundgauvien entretient des liens d’amitié, Karin Schäfer ne cachait pas son émotion hier. « Je ne peux pas me représenter ce que cela a dû être, c’est difficile à dire. Mais aujourd’hui est un grand jour, un pas en avant. C’était important pour nous d’être là. La paix est fragile, nous devons la savourer et nous obstiner à la construire en renforçant nos liens d’amitié. »
Bernard Boloronus , maire de Ballersdorf. « Il faut saluer le courage des réfractaires ainsi que des familles qui, bien que ...
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